C’est l’Instrument de la Capoeira, plus qu’un emblème, il dirige la roda et les autres instruments!
De la famille des cordophones dont le nom (berimbau) est un dérivé (fort probablement) de celui de la guimbarde en Portugais (a harpa de judeu = berimbau), ses origines remontent très loin dans le temps.
En effet, on retrouve des traces, datant de plus de 15000 ans av J-C, d’instrument proche du berimbau le plus commun aujourd’hui, celui utilisé dans la capoeira. Ainsi le berimbau, ou plus généralement les différents types de berimbaus, se retrouvent dans de nombreux pays :
Du sud de l’Inde au Brésil (depuis la colonisation), où il y possède plus d’une vingtaine de noms différents selon les régions, en passant par l’Egypte et de nombreux pays d’Afrique comme l’Angola.
A l’origine, il existait plusieurs types de berimbaus mais beaucoup ont aujourd’hui disparu. Le berimbau que l’on connait comme étant l’instrument emblématique de la capoeira s’appelle en fait berimbau de barruga (berimbau de ventre). Il n’est apparu dans la roda de capoeira qu’au début du 20ème siècle.
Dans quelques cultures d’Afrique, le berimbau était aussi utilisé selon certains historiens, outre pour jouer de la musique bien sûr, comme instrument de communication entre les bergers.
Le berimbau consiste en un arc de bois de biriba, la vergue (1) tendu par une corde de métal (2) et sur lequel on accorde une caisse de résonnance faite à base d’un fruit (la calebasse) (3).
On joue de cet instrument en tenant le berimbau et un jeton en métal (ou une pierre) (4) dans une main et, dans l’autre main, une baguette (5) et un caxixi (prononcer cachichi !) (6).
(1) – La Vergua ou Fare : on tire la vergue du berimbau d’une branche du Biriba, un arbre tropical, c’est un bâton de bois d’un diamètre de 15 à 30 mm et d’une longueur variant de 1,30 à 1,70m. La densité du bois de beriba pouvant varier fortement, on peut obtenir des sons très différents d’un berimbau à un autre. La branche est préparée (séchage, ponçage et peinture si on veut) puis on fixe une rondelle de cuir à l’extrémité la plus fine (pour éviter de fendre le bois lorsqu’on arme le berimbau !). Enfin, avec une lame on taille un tenon dans l’autre extrémité de l’arc pour recevoir la boucle de la corde !
(2) – La corde de métal, appelée Arame ou Cuerda : elle est tendue entre les deux extrémités du berimbau pour « l’armer ». A l’origine faite en fibre naturelle tel de la liane, on emploi aujourd’hui l’armature de vieux pneus (les pneus du bibendum sont les mieux paraît-il…) voire même de la corde de piano !
(3) – La calebasse : on parle de Cabaça pour la variété du fruit en forme de « gourde » et de Coité pour la variété du fruit à forme ovale. La différence se situe seulement dans la forme d’origine du fruit mais ils sont tous les deux de la famille des courges ! La cabaça est donc sèche, évidée et plus ou moins ouverte. On la munie ensuite d’un anneau de ficelle de crin ou d’un lacet à l’opposé de son ouverture, l’anneau est ensuite enfilé sur la partie inférieure de l’arc tendu, la calebasse en contact avec le bois. Elle sert alors de caisse de résonnance du berimbau. Plus la calebasse est ouverte, moins le son sera « rond », il résonnera moins longtemps et sera plus « claquant ».
(4) – Le Dobrão, Vintém ou Pedra : les deux premiers désignent un jeton en métal (souvent en laiton ou en acier) et la troisième est une pierre ou un galet. Ils servent tous les deux à moduler le son du berimbau lorsque l’on joue en étant soit collée, posée ou détachée de la corde.
(5) – La Baqueta ou Vareta est une baguette de bois, traditionnellement de biriba. On trouve aussi des baqueta en bois de tucum, plus lourdes, des baqueta de bambou et de manière générale, n’importe quelle baguette de bois séché, solide, bien droite et d’un diamètre de 5mm en moyenne. Elle sert à frapper la corde en rythme pour jouer de l’instrument.
(6) – Le caxixi est tenue dans la même main que la baguette. Il consiste en une sorte de petit hochet de paille tressée à fond en calebasse (généralement) ou noix de coco et est remplie avec des graines ou des petits coquillages. Le caxixi peut produire deux sons assez distincts : un son « claqué » obtenu en projetant les graines sur le fond en calebasse et un son plus doux en projetant les graines sur la partie en paille. C’est de ces deux sons que proviendrait le nom de caxixi.
A savoir qu’un berimbau peut se décliner sur plusieurs tonalités selon d’une part : la calebasse qui lui est attribué et la tension de la corde de l’arc (tension liée en partie à la raideur de la vergue).
D’autre part et même surtout, quelle tonalité possède-t-il (grave, médium ou aigue) par rapport aux autres berimbau de la bateria :
On parle d’un berimbau Berra-Boi ou Gunga pour le berimbau au son le plus grave de la bateria. Il s’obtient avec une calebasse assez grosse et en tendant plus faiblement la corde du berimbau pour renforcer le son grave. Il donne le rythme de base.
Le berimbau Medio (ou Gunga aussi parfois) donne une tonalité medium dans la bateria. Il soutient la gunga et apporte certaines variations aux rythmes de bases.
Enfin, avec une petite calebasse et une tension de la corde accentuée, on obtient un berimbau Viola ou Violinha. Il joue beaucoup sur l’improvisation sur les rythmes de la gunga et du medio.
Le berimbau est tenu avec l’arame vers l’extérieur et l’ouverture de la cabaça (boca de cabaça) vers le ventre. Il est soutenu en posant l’anneau de ficelle de la calebasse sur le petit doigt d’une main (cela évite aussi le glissement de la calebasse dû aux vibrations de l’arame lorsque l’on joue ! Pas folle la guêpe !).
Le majeur et l’annulaire s’enroule autour de la vergue pour éviter que l’instrument ne bascule en avant.
On tient le dobrão avec l’index et le pouce, ces derniers doivent être assez mobiles pour permettre de jouer les trois « sons » principaux.
Ainsi, en laissant le berimbau aller très légèrement vers l’avant, il tient en équilibre !
L’autre main tient la baguette de bois avec le pouce et l’index et le caxixi en passant le majeur et l’annulaire dans l’anse de celui-ci.
Les rythmiques sont créées en frappant l’arame avec la baqueta. Les toques (rythmes de berimbau complets) sont obtenues en variant les notes, ou sons, grâce au dobrão et par la variation de distance entre l’ouverture de la caisse de résonance et le ventre du capoeira.
Comme énoncé précédemment, les toques de berimbau se jouent sur trois « sons » principaux (propres aux rythmes de capoeira) ou plus exactement deux notes et un « son » :
- La note aigüe est obtenue en appuyant fermement le dobrão sur l’arame et en frappant celle-ci environ deux ou trois centimètres au dessus du point d’appui du dobrão.
- La note grave, qui se situe entre un ½ ton et un ton en dessous de la note aigüe, s’obtient en tenant le dobrão décollé de l’arame et en frappant celle-ci le plus près possible de la ficelle de la calebasse afin d’obtenir le son le plus clair et propre.
- Pour le son « grésillée » (ou note « brisée »), il faut simplement coller le dobrão sur l’arame sans appuyer dessus, la prise de la pièce en métal doit être relâchée. De cette façon, en frappant l’arame juste au dessus du point de contact, on obtient un son « tchink ».
Ces deux notes et son permettent d’obtenir quasiment tous les toques liés au jeu de la capoeira.
Cependant ces toques peuvent facilement être agrémentés de plusieurs effets, pouvant donner l’occasion de jouer de superbes improvisations :
Par exemple, lier deux notes en collant ou décollant le dobrão sans refrapper la corde. Ou encore, jouer sur l’ouverture fermeture de la calebasse lorsque la corde résonne produira un effet « ouah ouah ».
Il est aussi possible d’obtenir des effets intéressants en jouant ou frappant d’autres parties que la corde bien que cela ne soit pas forcément bien vu par tout le monde (des artistes style Nana Vasconcelos utilisent beaucoup ce genre d’effet).
Berimbau, un instrument entouré de magie et de mystère utilisé depuis des millénaires. Nombreux musiciens aiment à apprivoiser cette instrument, qu’ils soient capoeiristes, percussionnistes, Jazzmen, etc…. Les sons qu’il produit captivent, les rythmes que l’on joue emportent l’esprit très loin.
Malgré son apparente simplicité, sa maîtrise peut demander parfois du temps car au-delà de la technique, il y a l’émotion : il faut ressentir les rythmes qui doivent être joués, cela afin de faire vraiment « chanter » le berimbau.
Il est souvent dit par les mestres et dans de nombreux ouvrages que « le berimbau enseigne » car si l’on se laisse porter par lui, il nous indique comment se mouvoir dans la roda. Il y insuffle une énergie particulière, il la mène et indique le style du jeu à travers les différents toques joués.
« Le berimbau peut apaiser l’âme lorsque sont joués des solos mélancoliques ; son rythme est noir et fort, une pulsation profonde et puissante qui touche directement le cœur. Il inonde l’esprit, l’espace et le temps avec la force de la marée. L’aura intense qui émane de ce simple arc musical vous enveloppe lentement. Sans même que vous le réalisiez, la magie puissante du berimbau à apprivoisé votre âme.
Parfois, le berimbau peut enflammer votre cœur avec la puissance de trompettes guerrières et donner à vos mouvements une vitesse impressionnante. Dans ces moments, vous ne connaissez plus la peur. Votre adversaire peut lancer ses attaques aussi vite que possible sans arriver à rien. Seuls les espaces vides peuvent absorber les coups mortels. C’est comme si le corps perdait sa consistance matérielle et n’offrait plus de résistance. L’attaque et la défense ne font plus qu’un. Les coups puissants fusent de façon inoffensive. En obéissant au berimbau, vous êtes protégé. »
Extrait de « Capoeira : Histoire, philosophie et pratique » de Bira Almeida, 2005
Salve,
Excellent ce livre de Bira Almeida (c’est une réédition…) !
Et merci encore Lobao pour ces articles sur la musique.
A bientôt
AXE !